mardi 26 février 2019

FAIRE DE LA VIE UNE PERMANENTE EDUCATION


Parce que le monde doit changer de cap (1), l’école ne peut avoir pour seule finalité la formation à l’emploi. Elle doit être le carrefour d’une permanente éducation intégrant, tout au long de la vie, la diversité des savoirs qui ne sont pas les siens mais qu’elle doit reconnaître et encourager. Par Roger Sue Professeur des universités, (auteur de Temps et ordre social, PUF, Paris, 1994) dans Le Monde diplomatique
La grande question posée à l’éducation au cours des dernières décennies a été celle de sa démocratisation et de sa lutte contre l’échec scolaire. De gros progrès ont été réalisés sur ce terrain, même s’il reste beaucoup à faire. Le chemin à peine tracé, l’éducation se trouve confrontée à deux défis majeurs : la crise du travail et l’évolution de la conception du savoir. La préparation à l’emploi et l’acquisition des connaissances sont en effet les deux piliers de l’éducation moderne.
Toute éducation s’appuie sur un modèle social qui lui sert de référence. Il oriente ses contenus, hiérarchise ses valeurs, détermine son organisation, etc. Ainsi au Moyen Age, l’éducation selon le modèle scolastique reflète et perpétue l’ordre religieux. Avec la modernité, le travail devient le principal référentiel et sert de modèle à l’organisation de l’école républicaine (2). Les déclarations de Jules Ferry, son grand artisan, sont sans équivoque : l’école doit former le futur travailleur. Elle doit aussi former le citoyen, mais qu’est-ce qu’un bon citoyen sinon un bon travailleur ?
Plus d’un siècle après, le modèle de référence est resté à peu près le même. Il serait même plus puissant que jamais. Ne parle-t-on pas du « travail scolaire » et même, depuis peu, du « métier d’élève », par identification avec le monde du travail ? D’ailleurs, pour l’immense majorité des élèves, l’école est avant tout perçue comme une préparation à l’emploi, même s’ils considèrent par ailleurs qu’elle y prépare mal.
Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui militent pour une soumission encore plus complète de l’école à la logique des métiers et de la professionnalisation. Cette crispation sur le travail alors que celui-ci est l’épicentre de la crise est évidemment très paradoxale. Sauf à penser que c’est la formation qui a le pouvoir de créer l’emploi. Ce qui n’est pas le cas. C’est même plutôt l’inverse puisqu’un meilleur niveau de formation accroît les gains de productivité et contribue à réduire le temps de travail. Tout semble indiquer, en effet, que même en cas de reprise franche le volume global du travail ne devrait guère augmenter et que, à moyen terme, il devrait poursuivre sa tendance séculaire à la baisse. Le temps passé au travail est déjà marginal — entre 13 % et 14 % du temps de vie éveillée — et il le sera demain plus encore. On sait aussi que la grande majorité des emplois nouvellement créés seront faiblement qualifiés (du type secrétariat ou maintenance) et, surtout, de moins en moins en phase avec la pyramide des diplômes.
L’explosion scolaire est sans rapport avec le nombre comme avec le niveau des débouchés prévisibles. En 1993, plus des trois quarts des jeunes (78 %) sont encore scolarisés à dix-huit ans, près des deux tiers d’une génération obtiennent le baccalauréat (contre 11 % au début des années 60) et, surtout, les effectifs universitaires connaissent un boom et progressent de 36 % dans la décennie 1980-1990 (3).
A l’évidence, le nombre et le niveau des diplômés augmentent beaucoup plus vite que les emplois correspondants. D’ailleurs, les diplômés commencent à en payer le prix, avec plus de 10 % de bacheliers au chômage, et même les élèves sortant des grandes écoles ne sont plus sûrs d’être épargnés. Certes, le diplôme reste malgré tout la meilleure garantie contre le chômage ; mais au prix d’un investissement toujours plus lourd de la collectivité comme de l’intéressé, sans rapport avec son utilité ou son efficacité réelles, sur le plan professionnel tout au moins. Il intervient plus comme un critère de tri et de sélection a priori à l’embauche que par son adéquation à l’emploi. Avec toutes les déconvenues qui en résultent, tant pour le salarié que pour l’entreprise.
Dans ces conditions, maintenir le travail comme principal référentiel de l’éducation est devenu irréaliste. On commence tout juste à mesurer l’onde de choc provoquée par la crise de ce référentiel. Pourtant, le brusque et brutal soulèvement de la jeunesse contre le contrat d’insertion professionnelle (CIP) en a démontré le potentiel explosif, le CIP avec le « SMIC-jeunes » ayant été comme des révélateurs de l’écart grandissant entre le niveau de formation et la réalité du travail d’aujourd’hui. C’est bien parce que ce projet touchait une question de fond que la réaction fut si rude.
Apprendre pour quoi faire ?
Si la question « l’éducation pour quoi faire ? » n’est pas nouvelle, avec la crise de l’emploi elle se fait plus pressante et représente un vrai défi qui dépasse les seuls milieux éducatifs et ne pourra être indéfiniment refoulée.
Deuxième grand défi pour l’éducation et ses institutions, l’évolution de la relation au savoir. Dans la conception classique, il y a opposition tranchée et radicale entre savoir et non-savoir. Ou l’on sait, ou l’on ne sait pas. Le savoir est l’objet de la science qui ne saurait être parasitée par l’erreur. Dans les sociétés rationalistes modernes, la science fait figure de vérité. Les institutions éducatives en sont les dépositaires et ont pour tâche d’assurer sa transmission, dont elles détiennent le quasi-monopole.
Or, chacun le sait ou le sent bien, une telle conception ne tient plus. Pour de multiples raisons. Que ce soit la relativité du savoir scientifique, la place de l’erreur dans le processus même de la découverte scientifique (4), le pluralisme des savoirs qui ne sont pas tous objet de science, ou, plus communément, le doute sur les finalités scientifiques et leurs bienfaits. L’éducateur se sent ainsi moins assuré. Son rôle n’est plus seulement de transmettre un savoir tout fait, paré des vertus de la science. Non seulement ce savoir est plus incertain, mais le doute porte aussi sur son utilité quand le guide pratique que constituait la préparation au travail sert plus difficilement de référence. De plus, ce savoir savant se heurte désormais souvent aux savoirs constitués du public. Savoirs ordinaires, issus du quotidien, qui sont plus étendus dans le public et dont celui-ci a davantage tendance à revendiquer la légitimité.
On a ainsi le sentiment que l’éducation glisse progressivement du terrain de la seule démocratisation du savoir vers celui de la construction d’un « savoir démocratique » davantage lié aux pratiques et aux acquis des acteurs. La nature du savoir lui-même devient l’enjeu d’une négociation entre les acteurs. Ce qui est sans doute un moyen plus efficace de formation et d’accès à un savoir réel. Tâche passionnante, mais redoutable pour des éducateurs ainsi privés de leurs repères et de leurs certitudes.
Autre transformation dans la relation au savoir, celle de ses modes d’acquisition. Le modèle dominant de transmission du savoir reste fondé sur le discours abstrait, sur le maniement de concepts et de symboles. Mais une plus large place est désormais accordée aux savoirs implicites propres à chacun. Savoir-faire, savoir-être, savoir-vivre sont de plus en plus considérés comme des savoirs à part entière. Ce sont des savoirs tirés de l’expérience, qui, pour la plupart, ne s’enseignent pas directement et qui échappent donc pour l’essentiel aux institutions éducatives.
Autrement dit, l’éducation ne représente plus qu’une modalité particulière du savoir, qui, sous bien des aspects, est d’abord un discours sur le savoir, une sorte de savoir sur le savoir. Ce qui nous rappelle la définition platonicienne du pédagogue comme maître de l’art d’« accoucher » ses disciples de leurs propres savoirs. Ou celle, plus récente, du grand pédagogue brésilien Paolo Freire, qui cherchait à « conscientiser » les paysans quant à la valeur méconnue de leurs connaissances. Plus près de nous, Bertrand Schwartz a usé d’une méthode similaire pour venir en aide aux « bas niveaux de qualification ». Cette conception de l’éducation et les méthodes qu’elle induit sont maintenant assez largement partagées dans les milieux des formateurs d’adultes. D’autant que la législation va dans ce sens, avec la mise en place de procédures qui consacrent la reconnaissance des acquis et le droit pour tout salarié à un bilan de compétences.
Le savoir « au bout des doigts »
En revanche, la formation initiale à l’école est restée très en arrière de ce mouvement. On s’appuie peu sur les expériences particulières des élèves, on ne reconnaît pas de savoirs autres que scolaires, on laisse de nombreuses compétences potentielles en friche. Certes, l’école ne peut pas tout et ce ne serait pas si grave si le niveau scolaire n’était pas aussi déterminant dans l’évaluation de l’éducation et dans l’orientation de l’élève. Mais, on le sait, du niveau scolaire dépendent la qualité de l’emploi, l’accès à la formation continue, la position sociale et, peut-être plus gravement, l’image de soi et le goût pour la connaissance. Dans une société dite d’« information », où la connaissance devient un enjeu central, où l’individu doit de plus en plus compter sur ses propres ressources pour construire ses repères et bâtir des projets tant personnels que professionnels, l’école ne peut maintenir un rapport au savoir aussi limité, qui finit par marginaliser le plus grand nombre. A l’inverse, la réussite scolaire ne peut être le seul critère de sélection des élites, dont les responsabilités nécessitent bien d’autres qualités et savoirs auxquels bon nombre n’accèdent jamais.
Transformation de la conception du savoir, de ses modes d’appropriation, mais aussi de ses lieux d’acquisition : tout se tient. Sur l’ensemble du cycle de vie, le temps passé dans les instances proprement éducatives est extrêmement réduit. Même pendant la période de jeunesse plus directement associée à l’éducation, a-t-on observé (5), le temps passé à l’école n’occupe globalement que cinq mois contre sept mois de loisir. Et encore ne suffit-il pas d’être sur les bancs de l’école pour apprendre. On peut évidemment considérer avec Sénèque (6) que la vie est un perpétuel procès d’apprentissage. Mais, à la différence des sociétés traditionnelles, nous vivons dans un univers informatif, voire formatif, en constant renouvellement. L’interaction avec un environnement plus « intelligent » est une source permanente d’apprentissage. Il s’agit moins d’accéder comme autrefois à un certain stade de connaissance, sorte de viatique pour toute l’existence, que de participer d’un flux accéléré où se mêlent désapprentissage et réapprentissage.
La réduction de l’emprise d’un travail le plus souvent répétitif, routinier et faiblement qualifié, tandis que croissent et se diversifient des pratiques du temps libéré, n’y est pas pour rien. Sans même parler des nouvelles technologies de la communication — dont l’enseignement assisté par ordinateur —, on sait l’influence considérable que la télévision exerce sur l’éducation. A tel point que les sources d’information et de formation, à commencer par l’école, doivent se situer fréquemment de manière critique par rapport à la télévision. De plus, la télévision est une compagne, bonne ou mauvaise selon les jours, de toute une vie.
Il faut aussi penser au développement de la vie associative, qui concerne près d’un Français sur deux. Pratiquement, toutes les associations affichent une volonté d’éducation parmi leurs objectifs ; pour certaines, le savoir est même au centre de leur action. Que l’on songe, par exemple, à l’essor des réseaux d’échange réciproque de savoirs (7) qui permettent à tout individu d’échanger ses compétences (de la plomberie aux mathématiques) contre d’autres sur la base du don réciproque. On sait aussi que, après la télévision (plus de 40 % du temps libéré), ce sont les activités d’autoproduction qui occupent une grande part du budget-temps des Français. Productions d’amateurs souvent très sophistiquées et de niveau quasi professionnel qui mettent en œuvre des compétences multiples dans le cadre d’une véritable autoformation. On pourrait citer bien d’autres exemples.
En somme, nombreuses sont les pratiques, parfois dans le travail, le plus souvent hors travail, qui font explicitement intervenir une dimension éducative dans une société où le savoir est de plus en plus accessible et se trouve « au bout des doigts ». L’éducation se diffuse désormais, pour sa plus grande part, hors des structures qui lui sont expressément consacrées. Ce qui ne veut pas dire que sa place est ou sera nécessairement moins importante. Au contraire, son rôle dans la réflexion critique est indispensable. Mais ses fonctions seront plus diversifiées, plus engagées dans le quotidien et le vécu des individus, et surtout plus ouvertes au partenariat.
Face à ces deux grands défis pour l’éducation que sont la perte de son référentiel et la transformation du rapport au savoir, il n’est pas de réponse simple. Mais si l’on veut éviter que les inégalités issues du travail ne soient amplifiées ou remplacées par des inégalités face au savoir et au temps libéré, il faut certainement réactiver un grand projet d’éducation permanente. Depuis Condorcet, le sens de l’éducation permanente a été constamment dévoyé. Et celle-ci s’est peu à peu réduite à la seule formation professionnelle, en dépit de la loi de 1971, votée à l’initiative de M. Jacques Delors, qui prévoyait de lui restituer un plus large cadre.
Or la formation professionnelle, ou continue, ne touche qu’une frange de la population, et pas nécessairement celle qui en a le plus besoin. Il faut prendre le mot « permanent » au pied de la lettre, au sens d’une éducation pour tous, sans aucune exclusive dans ses contenus et sans discontinuité tout au long de la vie. Ne pas cantonner la formation permanente à la seule formation dite « qualifiante ». Toute formation est qualifiante si elle correspond à un investissement personnel fort et met en jeu des dimensions aussi bien psychologiques, affectives que cognitives. Tel n’est pas le cas de nombre de formations qui sont imposées et dont les objectifs à court terme ne mobilisent que faiblement les salariés.
Les formations prescrites et très spécialisées devraient laisser une plus large place à des initiatives des intéressés sur des thèmes de leur choix, utiles aussi bien à leur carrière qu’à leur plan de vie personnelle. Le Conseil national du patronat français (CNPF) lui-même met en garde contre les formations trop spécialisées, rapidement dépassées par les progrès technologiques et qui trouveraient aussi bien leur place dans le temps de travail. Les mêmes milieux pensent qu’il est plus rentable de développer les qualités personnelles que les seules compétences techniques, pour renforcer la capacité d’initiative, de créativité et l’implication du salarié. Un pas de plus, et l’on arrive à l’idée de co-investissement où l’entreprise finance le salarié pour une formation de son choix sous réserve d’une garantie de résultat. Dans les usines Ford du Royaume-Uni, après accord avec les syndicats, un tel système est proposé à tous les salariés, avec pour effet un rendement amélioré du travail. Du même coup, la frontière entre formation professionnelle et formation personnelle devient très artificielle, et l’on retrouve un sens plus authentique de la formation permanente. Formation qui s’adresse à l’ensemble de la personne et ne se borne pas à une adaptation mécanique à l’emploi.
Incitation à l’autoformation
Elargir le champ, mais aussi le temps consacré à la formation permanente. Il est inacceptable que des salariés ne se voient offrir aucune possibilité de formation durant toute leur vie active. S’il est vrai que le niveau de compétence est devenu le principal facteur de productivité, donc de compétitivité et de développement, l’offre de formation n’est pas à la hauteur de l’enjeu. On objectera le coût économique de cette formation. Mais si le niveau de compétence devient plus important que le temps passé au travail et permet tout au moins d’économiser celui-ci, il est alors très efficace d’investir dans la formation, comme l’ont compris les entreprises les plus performantes.
Outre la performance économique et l’épanouissement personnel, on ne peut ignorer que l’allongement du temps de formation peut contribuer à un meilleur partage du travail. De longues séquences de formation amenant les entreprises à recruter, au moins à titre temporaire. Une meilleure alternance entre l’emploi et la formation est profitable à la productivité et représente une arme pour lutter contre le sous-emploi.
A côté des structures propres à la formation permanente, il faudrait également mieux s’appuyer sur le réseau associatif, dont on a souligné le rôle éducatif. Le désir de formation suppose avant tout une perspective et un projet. Le projet professionnel, outre qu’il ne concerne qu’un Français sur trois à l’heure actuelle, est souvent insuffisant pour susciter des vocations. La création d’un vaste secteur d’utilité sociale à côté du travail professionnel, destiné à répondre aux besoins collectifs insatisfaits, pourrait offrir un utile débouché. Il permettrait d’insérer un projet personnel dans un cadre plus général tout en apportant une formation. Tant il est vrai que, dans une collectivité où le niveau culturel de chacun est de plus en plus élevé, les savoirs manquent moins que les possibilités de les faire valoir dans un projet qui lui-même est une incitation à poursuivre une autoformation. Ce secteur d’utilité sociale, ouvert à tous, est évidemment une occasion supplémentaire de capitaliser des savoirs et ainsi de participer également à l’efficacité du travail.
Précisément, la capitalisation des savoirs et leur reconnaissance est un autre levier d’une éducation vraiment permanente. Si les formations post-scolaires se multiplient, dans la formation professionnelle, dans le secteur d’utilité sociale ou, tout simplement, durant le temps libéré, il faut leur donner une meilleure visibilité et une meilleure reconnaissance. Autrement dit, le « portefeuille de compétences » que l’on commence à utiliser dans le secteur professionnel devrait être progressivement étendu à toutes les formes d’acquis et de savoirs. Cette idée, ébauchée par Michel Serres et qui donne lieu à une première expérimentation avec la construction des « arbres de connaissances (8) », devrait être considérée comme un puissant moyen pour avancer sur la voie d’une éducation permanente pour tous. Certes, cela pose de redoutables problèmes d’évaluation et de certification. Mais une telle méthode est-elle moins infidèle que le diplôme scolaire pour apprécier la réalité comme la diversité des savoirs d’un individu ? Elle peut au moins être une méthode complémentaire particulièrement utile pour ceux qui sont tôt sortis de l’école.
Une dernière suggestion concerne justement l’école, qui doit elle-même être à part entière un lieu d’éducation permanente. Pas seulement un lieu où l’on « apprend à apprendre », ce qui ne serait déjà pas si mal, mais aussi un lieu où l’on réapprend ce que l’on a déjà appris. Cela signifie que l’école ne peut plus ne reconnaître que les savoirs qu’elle dispense. Les jeunes d’aujourd’hui possèdent un capital considérable de savoirs non scolaires, bien supérieur à celui de leurs aînés au même âge. On ne peut ignorer, par exemple, qu’ils sont les plus gros consommateurs de pratiques culturelles et, d’une manière générale, de pratiques de loisir. Certaines d’entre elles sont liées à l’école, mais la plupart n’ont avec elle que peu de rapport, ou sont totalement ignorées — quand elles ne sont pas condamnées. A l’instar de l’éducation des adultes, l’école doit s’ouvrir à des savoirs informels, savoir-faire, savoir-être, savoir-vivre, et leur accorder, après évaluation, une reconnaissance à côté des savoirs proprement scolaires. Moins que jamais, l’école ne peut se limiter à la délivrance de diplômes censés déboucher sur des emplois de plus en plus aléatoires par ailleurs. Dans une perspective d’éducation permanente, l’école ne peut se centrer quasi uniquement sur les 13 % à 14 % de temps de vie que représente maintenant le travail, auquel elle ne prépare du reste pas directement.
Initiation aux temps vécus
L’école ne doit pas seulement reconnaître les savoirs qui ne sont pas directement les siens, elle doit en plus les encourager. Elle devrait, tout d’abord, reproduire la diversité des temps déjà vécus par les adultes pour en extraire toute la valeur éducative. Ainsi le cours normal de l’éducation d’un jeune devrait-il être partagé entre le temps personnel, familial et de loisir, le temps de participation à une association d’intérêt général de son choix, le temps d’initiation à une pratique professionnelle dans l’entreprise et le temps scolaire proprement dit. Chacun de ces temps donnant lieu à une évaluation des savoirs recueillis, à leur reconnaissance et à leur certification. Ce programme d’éducation permanente, seule véritable initiation aux temps réellement vécus aujourd’hui, devrait être entrepris le plus tôt possible selon des modalités propres à chaque catégorie d’âge. L’ensemble de ces savoirs et acquis serait consigné dans le livret scolaire, témoignant des progrès et qui constituerait le premier « portefeuille de compétences », qui ne cessera de s’enrichir tout au long de la vie. Ainsi y aurait-il un véritable processus continu d’éducation incluant toutes les formes d’éducation aux différents âges de la vie.
Ce grand projet d’éducation permanente à l’école avait déjà été imaginé par des pédagogues d’avant-garde (Freinet, Montessori). Mais leurs idées ont été marginalisées dans une société qui ne percevait le savoir que sous la forme académique d’une science constituée, seule légitime, et où le référentiel du travail était la référence dominante pour l’orientation des contenus comme des élèves. Aujourd’hui, si ces idées paraissent encore bien en avance, elles sont, par contre, devenues une nécessité pour que l’école s’adapte à la place réelle du travail dans les différents temps de la vie, comme aux nouveaux modes de diffusion du savoir.

Avant de songer à préparer la société de demain, prospective incertaine et particulièrement périlleuse, il faudrait commencer par préparer aux temps présents, tels qu’ils sont vécus.



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